Passagers de Paris
Os
alfandegários de Santos Examinaram minhas malas Minhas
roupa Mas se esqueceram de ver Que eu trazia no coração Uma
saudade feliz De Paris
(Contrabando.O .de
Andrade)
Aussi devant
ce Louvre une image m’opprime : Je pense à mon
grand cigne, avec ses gestes fous, comme les exilés,
ridicule et sublime, Et rongé d’un désir sans
trêve ! et puis à vous,
(Le
cygne .C.Baudelaire)
Les
passages sont des noyaux pour le commerce des marchandises de luxe.
En vue de leur aménagement l’art entre au service du
commerçant. Les contemporains ne se lassent pas de les
admirer. Longtemps ils resteront une attraction pour les touristes.
(Paris,
capitale du XIX siècle. Walter Benjamin)
Écrire de Paris, écrire pour Paris est
un geste ancien et toujours nouveau, passage presque obligé
dans la culture brésilienne, francophile depuis ses origines.
On écrit de Paris et pour Paris en prenant en compte les deux
dimensions de cette ville, sa matérialité de métropole
à la fois accueillante et intimidante, sa charge symbolique,
charmante et (presque) écrasante. Comment écrire de
Paris ? Et surtout, comment écrire pour Paris,
« bibliothèque traversée par la Seine » ?
Écrire sur le Brésil, par contre, implique aussi,
surtout si l’on écrit pour Paris, de prendre toujours
acte des différents aspects de ce pays, lui aussi concret et
mythique, terrain de problèmes à résoudre,
chantier d’exploits et porteur de rêves. Comment écrire
sur le Brésil en évitant les clichés sur la
terre naturellement puissante, malmenée par l’incurie
des hommes ou tout en évitant la tentation de l’exotisme ?
Les travaux présentés ici, dans sa
majorité ne dérogent pas à ces contraintes.
Peut-être même ne pourraient-ils se faire que dans ces
conditions, dans ce lieu instable, dans ce temps de transition que
représente un voyage d’études, la plongée
intellectuelle dans la culture « de l’autre »
ou dans sa propre culture dans la terre « de l’autre »..
Ses auteurs sont des professeurs, des chercheurs et des étudiants
brésiliens ou « brazilianists » et sont
tous, de façon directe ou indirecte, passagers de Paris, cette
ville où l’on ne se sent pas rester, mais plutôt
infiniment traverser.
Passages de Paris est l’accomplissement
de l’un des objectifs que s’était donné,
depuis deux ans, l’Association de Chercheurs et Étudiants
Brésiliens en France (APEB) : constituer un lieu de
rassemblement de traces laissées par la circulation
intellectuelle entre le Brésil et la France, un noyau pour la
présentation des objets ainsi construits. C’est pour
cela qu’il s’agit ici d’une revue
multidisciplinaire, qui se veut capable d’accueillir des
contributions hétérogènes. Son caractère
composite s’organisera autour de deux numéros par an, de
façon à privilégier un thème dans un
Dossier, tout en réunissant les travaux concernant
d’autres domaines dans une Varia.
Le Dossier de ce premier numéro, dont
le thème a été repris aux derniers séminaires
d’Afranio Garcia Junior au Centre de Recherches du Brésil
Contemporain de l’Ecole des Hautes Études en Sciences
Sociales, présente des travaux concernant, de différentes
manières, la circulation des savoirs et l’organisation
des mémoires et des identités. On y trouvera des
articles traitant des renvois identitaires dans la critique d’art,
des interrogations d’intellectuels sur leur rôle et des
questions concernant les migrations internationales ; du cinéma,
de l’écriture de l’histoire, de l’organisation
des collections, de la littérature des femmes. Comme la
circulation des savoirs est surtout un passage parmi des langues, on
y trouvera aussi une réflexion sur l’enseignement des
langues étrangères.
C’est ainsi que Angela Xavier de Britto, Maria
Maroca et Luiza Lobo abordent la question des rapports
qu’entretiennent les intellectuels dans l’axe nord-sud et
la question de la place de l’art dans l’hémisphère
sud : Xavier de Brito s’intéresse particulièrement
aux rapports entretenus par des étudiants brésiliens et
les institutions françaises dans le cadre précis de
l’accord Capes-Cofecub ; Maroca recourt à la
catégorie « d’entre-lugar » forgé
par Silviano Santiago pour penser les conditions de travail de
l’intellectuel des pays périphériques ;
tout en discutant les idées de Richard Rorty, Lobo
étudie les possibilités de survie de la littérature
et de la culture en général dans l’Amérique
Latine. Travaillant toujours sur la question de la construction des
identités, Eva Landa s’intéresse à son
tour aux cas de ceux qui, confrontés à des changements
des constructions telles que « patrie » ou
« peuple » dans lesquelles ils se sont
structurés d’une façon figée sont en proie
au déracinement..
Peu de gens, même dans le milieu du cinéma
brésilien, le savent, l’idée du film Orfeu
Negro est venue à Marcel Camus pendant un dîner chez
des amis à Niterói, ville où se trouve l’Ecole
de Cinéma de l’Universidade Federal Fluminense. C’est
ce que nous apprend Tunico Amâncio au début de son
travail sur les images de la société brésilienne
portées par les films du cinéaste français.
Les représentations du Brésil en
France sont aussi étudiées par Jussara Nunes et Cibele
Barbosa : la première examine la collection
photographique de la Société de Géographie de
Paris pour y voir la place occupée par le Brésil ;
la seconde analyse la réception en France de l’oeuvre de
Gilberto Freyre.
Deux articles portent sur la littérature des
femmes et la circulation de ses thèmes: tout d’abord,
Catherine Dumas réfléchit sur la question du sujet
féminin en faisant ressortir l’intertextualité
entre les romans des Portugaises Maria Teresa Horta et Fiama Hasse
Pais Brandão et ceux de la Brésilienne Clarice
Lispector; Vera Queiroz, quant à elle, lit l’oeuvre
d’Hilda Hilst en soulignant ses aspects polémiques,
tout en mettant en relation les textes de fiction et les
chroniques que l’écrivain a publiés dans la
presse brésilienne.
Enfin, J-M Robert s’intéresse aux
différences dans les techniques d’enseignement d’une
langue étrangère notamment le français, selon
que la langue maternelle de l’étudiant et la nouvelle
langue sont des langues proches ou même voisines, très
éloignées ou relativement éloignées.
Dans la Varia, il y aura des articles dans
les domaines de la politique, de l’histoire du cinéma
brésilien, du droit, de la psychologie, de la médecine
et de la mécanique.
Tout d’abord Deolinda Vilhena, Cristina Duarte
e Lilian de Lacerda nous parleront des arts : du théâtre,
de l’histoire du cinéma au Brésil et d’une
manière très particulière d’écrire
au féminin ; Tania Aiello-Vaisberg et Maria-Christina
Lousada-Machado nous livreront leurs réflexions sur les
travaux de Winnicott .
Les articles de Luiz Alberto Rocha , Maria-Charlotte
Belle, Xerxes Gusmão et André Santos Pereira, par des
voies diverses discutent des constructions et des décisions
politiques ; finalement, Marcus De Morais, Lineu Pedroso et
Selenio F. Da Silva et Alexandre Maia Barros nous offrent des
travaux concernant la mécanique et la médecine.
L’historien Luiz Filipe de Alencastro a
accepté de nous parler de son parcours intellectuel et
de ses relations personnelles et intellectuelles avec la France et
nous l’en remercions.
Une section de Nouvelles et une section
d’indications d’autres sites – Autres Regards –
complètent la revue.
Tout en attendant les remarques et suggestions de
ses lecteurs, la revue Passages de Paris vous souhaite une
bonne lecture.
Eliana Bueno-Ribeiro
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