Passages de Paris

  Revue Scientifique de l'Association des Chercheurs et Etudiants Brésiliens en France

Numéro 1—2005
ISSN 1773-0341


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Passagers de Paris

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Os alfandegários de Santos
Examinaram minhas malas
Minhas roupa
Mas se esqueceram de ver
Que eu trazia no coração
Uma saudade feliz
De Paris

(Contrabando.O .de Andrade)

 

Aussi devant ce Louvre une image m’opprime :
Je pense à mon grand cigne, avec ses gestes fous,
comme les exilés, ridicule et sublime,
Et rongé d’un désir sans trêve ! et puis à vous,

(Le cygne .C.Baudelaire)

 

Les passages sont des noyaux pour le commerce des marchandises de luxe. En vue de leur aménagement l’art entre au service du commerçant. Les contemporains ne se lassent pas de les admirer. Longtemps ils resteront une attraction pour les touristes.

(Paris, capitale du XIX siècle. Walter Benjamin)

 

Écrire de Paris, écrire pour Paris est un geste ancien et toujours nouveau, passage presque obligé dans la culture brésilienne, francophile depuis ses origines. On écrit de Paris et pour Paris en prenant en compte les deux dimensions de cette ville, sa matérialité de métropole à la fois accueillante et intimidante, sa charge symbolique, charmante et (presque) écrasante. Comment écrire de Paris ? Et surtout, comment écrire pour Paris, « bibliothèque traversée par la Seine » ? Écrire sur le Brésil, par contre, implique aussi, surtout si l’on écrit pour Paris, de prendre toujours acte des différents aspects de ce pays, lui aussi concret et mythique, terrain de problèmes à résoudre, chantier d’exploits et porteur de rêves. Comment écrire sur le Brésil en évitant les clichés sur la terre naturellement puissante, malmenée par l’incurie des hommes ou tout en évitant la tentation de l’exotisme ?

Les travaux présentés ici, dans sa majorité ne dérogent pas à ces contraintes. Peut-être même ne pourraient-ils se faire que dans ces conditions, dans ce lieu instable, dans ce temps de transition que représente un voyage d’études, la plongée intellectuelle dans la culture « de l’autre » ou dans sa propre culture dans la terre « de l’autre ».. Ses auteurs sont des professeurs, des chercheurs et des étudiants brésiliens ou « brazilianists » et sont tous, de façon directe ou indirecte, passagers de Paris, cette ville où l’on ne se sent pas rester, mais plutôt infiniment traverser.

Passages de Paris est l’accomplissement de l’un des objectifs que s’était donné, depuis deux ans, l’Association de Chercheurs et Étudiants Brésiliens en France (APEB) : constituer un lieu de rassemblement de traces laissées par la circulation intellectuelle entre le Brésil et la France, un noyau pour la présentation des objets ainsi construits. C’est pour cela qu’il s’agit ici d’une revue multidisciplinaire, qui se veut capable d’accueillir des contributions hétérogènes. Son caractère composite s’organisera autour de deux numéros par an, de façon à privilégier un thème dans un Dossier, tout en réunissant les travaux concernant d’autres domaines dans une Varia.

Le Dossier de ce premier numéro, dont le thème a été repris aux derniers séminaires d’Afranio Garcia Junior au Centre de Recherches du Brésil Contemporain de l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales, présente des travaux concernant, de différentes manières, la circulation des savoirs  et l’organisation des mémoires et des identités. On y trouvera des articles traitant des renvois identitaires dans la critique d’art, des interrogations d’intellectuels sur leur rôle et des questions concernant les migrations internationales ; du cinéma, de l’écriture de l’histoire, de l’organisation des collections, de la littérature des femmes. Comme la circulation des savoirs est surtout un passage parmi des langues, on y trouvera aussi une réflexion sur l’enseignement des langues étrangères.

C’est ainsi que Angela Xavier de Britto, Maria Maroca et Luiza Lobo abordent la question des rapports qu’entretiennent les intellectuels dans l’axe nord-sud et la question de la place de l’art dans l’hémisphère sud : Xavier de Brito s’intéresse particulièrement aux rapports entretenus par des étudiants brésiliens et les institutions françaises dans le cadre précis de l’accord Capes-Cofecub ; Maroca recourt à la catégorie « d’entre-lugar » forgé par Silviano Santiago pour penser les conditions de travail de l’intellectuel des pays périphériques ;  tout en discutant les idées de  Richard Rorty, Lobo étudie les possibilités de survie de la littérature et de la culture en général dans l’Amérique Latine. Travaillant toujours sur la question de la construction des identités, Eva Landa s’intéresse à son tour aux cas de ceux qui, confrontés à des changements des constructions telles que «  patrie » ou « peuple » dans lesquelles ils se sont structurés d’une façon figée sont en proie au déracinement..

Peu de gens, même dans le milieu du cinéma brésilien, le savent, l’idée du film Orfeu Negro est venue à Marcel Camus pendant un dîner chez des amis à Niterói, ville où se trouve l’Ecole de Cinéma de l’Universidade Federal Fluminense. C’est ce que nous apprend Tunico Amâncio au début de son travail sur les images de la société brésilienne portées par les films du cinéaste français.

Les représentations du Brésil en France sont aussi étudiées par Jussara Nunes et Cibele Barbosa : la première examine la collection photographique de la Société de Géographie de Paris pour y voir la place occupée par le Brésil ;  la seconde analyse la réception en France de l’oeuvre de Gilberto Freyre.

Deux articles portent sur la littérature des femmes et la circulation de ses thèmes: tout d’abord, Catherine Dumas réfléchit sur la question du sujet féminin en faisant ressortir l’intertextualité entre les romans des Portugaises Maria Teresa Horta et Fiama Hasse Pais Brandão et ceux de la Brésilienne Clarice Lispector; Vera Queiroz, quant à elle, lit l’oeuvre d’Hilda Hilst en soulignant ses aspects polémiques,  tout en mettant en relation les textes de fiction et  les chroniques  que l’écrivain a publiés dans la presse brésilienne.

Enfin, J-M Robert s’intéresse aux différences dans les techniques d’enseignement d’une langue étrangère notamment le français, selon que la langue maternelle de l’étudiant et la nouvelle langue sont des langues proches ou même voisines, très éloignées ou relativement éloignées.

Dans la Varia, il y aura des articles dans les domaines de la politique, de l’histoire du cinéma brésilien, du droit, de la psychologie, de la médecine et de la mécanique.

Tout d’abord Deolinda Vilhena, Cristina Duarte e Lilian de Lacerda nous parleront des arts : du théâtre, de l’histoire du cinéma au Brésil et d’une manière très particulière d’écrire au féminin ; Tania Aiello-Vaisberg et Maria-Christina Lousada-Machado nous livreront leurs réflexions sur les travaux de Winnicott .

Les articles de Luiz Alberto Rocha , Maria-Charlotte Belle, Xerxes Gusmão et André Santos Pereira, par des voies diverses discutent  des constructions et des décisions politiques ; finalement, Marcus De Morais, Lineu Pedroso et Selenio F. Da Silva et  Alexandre Maia Barros nous offrent des travaux concernant la mécanique et la médecine.

L’historien Luiz Filipe de Alencastro a accepté de nous  parler de son parcours intellectuel et de ses relations personnelles et intellectuelles avec la France et nous l’en remercions.

Une section de Nouvelles et une section d’indications d’autres sites – Autres Regards – complètent la revue.

Tout en attendant les remarques et suggestions de ses lecteurs, la revue Passages de Paris vous souhaite une bonne lecture.

Eliana Bueno-Ribeiro